L'hébreu pense autrement. Il pense : ce qui est achevé, l'action qui est achevée, - et l'action qui est en train de se faire. L'action achevée peut être achevée dans le passé, dans le présent, dans le futur. De même, l'action qui est inachevée et en train de se faire peut être pensée dans le passé, dans le présent, dans le futur. La traduction d'un verbe hébreu par nos temps passés, notre présent ou nos futurs est donc en grande partie arbitraire et en ce sens nous passons d'un système de référence, d'un système optique, à un autre ; en réalité nous ne pouvons pas, en français, rendre le verbe hébreu dans sa dimension propre.
Ainsi, dans le texte hébreu Exode 3, 14, le verbe est à la forme qui indique une action inachevée et continuée. Du point de vue philologique, on pourrait aussi bien, dans une langue comme le français, traduire par un imparfait, un présent, ou un futur. Nous avons traduit par un présent, parce qu'il faut bien choisir, mais pour être complet il faudrait traduire : « J'étais, je suis, je serai ». C'est bien ainsi que l'a compris l'auteur, qui était un Hébreu, de l'Apocalypse 1, 8 : Moi je suis l'Alpha et l'Oméga, dit le Seigneur, Dieu, celui qui est, celui qui était et celui qui sera, le tout-puissant.
L'auteur de l'Apocalypse développe, déroule, si j'ose dire, toute la signification du tétragramme, dans le système de référence de la langue grecque. Pour rendre en grec ce que contient l'hébreu, il faut dire le verbe à l'imparfait, au présent et au futur."
Claude Tresmontant dans "Les premiers éléments de la théologie", texte complet dans "Livres pertinents", colonne de droite sur ce blog.
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